« Je ne sais pas exactement pourquoi j’écris ceci. Tout ce que je déteste dans ma vie est auto-infligé et je pense que c’est parce qu’au fond je ne crois pas que je mérite le bonheur. »
C’est une partie d’un long message que j’ai reçu, il y a deux jours, de la part d’une abonnée de Gulpes. Quand j’ai lu le message en entier, j’ai compris que cette personne vivait un quotidien malheureux parce qu’elle pense qu’elle mérite de souffrir. Cela m’a rappelé un autre récit d’une autre personne qui avait un problème similaire.
Il y a deux ans, j’ai eu des nouvelles d’une personne « X » qui voulait mettre fin à sa vie parce qu’après tout ce qu’elle avait pu accomplir et à la suite de tous les efforts qu’elle avait pu entreprendre, la vie semblait décider autrement pour elle. Elle a étudié pendant 10 ans pour obtenir un diplôme qu’elle détestait. Elle s’est donc retrouvée à travailler dans un domaine qu’elle détestait. Elle a pris la décision de mettre fin à une relation amoureuse de trois ans en raison de problèmes qui étaient définitivement réglables tout en faisant confiance à des personnes qu’elle détestait. Arrivée à ce stade, la seule pensée qui trottait dans sa tête était : « qu’ai-je fait pour mériter ce qui m’arrive ? »
Quand j’observe de près les récits humains qui font état de la douleur et de la souffrance, les plus courants et les plus problématiques sont ceux du « mérite ».
Depuis que nous sommes très jeunes, nous pensons continuellement en termes de cause à effet. Lorsque nous travaillons pour un test, nous pensons que nous méritons une bonne note. Lorsque nous étudions à Harvard, nous pensons que nous méritons un bon travail. Lorsque nous décrochons un poste de cadre chez Apple, nous pensons que nous l’avons mérité. Toutefois, lorsque nous décrochons un poste d’emballeur chez Walmart, nous pensons que la vie est contre nous et que nous méritons de souffrir.
Bien que les actions engendrent des conséquences, beaucoup d’entre nous pensent que tout ce qui nous arrive provient forcément de nos actions.
Qu’en est-il des choses horribles et inattendues qui peuvent vous arriver, par exemple, un tremblement de terre qui détruit tout votre quartier ou une inondation qui emporte tous vos biens ? Pensez-vous que cela serait à cause de vos actions ? Je doute bien que non. Cependant, étant encrés dans cette idéologie du mérite, nous avons du mal à penser que nous ne méritons pas nos souffrances. C’est pourquoi vous entendrez très souvent des gens dire « qu’ai-je fait pour mériter ce qui m’arrive ? »
En effet, ces gens-là essaient de compenser de différentes manières la dissonance cognitive créée par le fait de penser que la vie est injuste. Certaines personnes s’en tiennent à croire que c’est le destin, croyant alors qu’il y a un but positif qu’ils ignorent. D’autres utilisent la religion comme levier en supposant que Dieu a un plan mystérieux pour eux. La plupart des gens restants pensent que ce sont eux le centre de la merde et commencent à se détester et à croire qu’ils méritent de souffrir.
Arrivés à ce stade, beaucoup de gens consultent des pseudo professionnels qui ne se contentent pas de leur dire qu’ils ne méritent pas de souffrir, mais bien plus que cela : qu’ils méritent d’être heureux !
Cela fait d’ailleurs passer le problème du désespoir « je mérite de souffrir » au problème de droit « je mérite d’être heureux ». Bien que cette dernière option semble être moins lourde à supporter, elle fout complètement tout en l’air.
« Il n’y a qu’une seule erreur innée, et c’est la notion de croire que nous existons pour être heureux…», disait le philosophe Arthur Schopenhauer.
En réalité, la conviction que nous méritons quoi que ce soit est complètement fausse.
Dans la vie, nous prenons des décisions qui entraînent parfois de bons résultats et parfois de mauvais. Le but ici est de simplement poser des actions et espérer obtenir de bons résultats. C’est tout.
À un moment donné de notre vie, nous vivons tous la tragédie, le traumatisme, la solitude, la colère, la perte, la tristesse, l’échec, etc. Bien que certaines personnes souffrent injustement plus que d’autres, aucune d’entre elles ne mérite quoi que ce soit. Il peut être facile de constater la douleur d’une personne et de penser qu’elle la mérite, mais à travers ses yeux, elle a l’impression de ne pas la mériter. Tout comme vous pouvez penser que vous ne méritez pas votre douleur alors que d’autres personnes peuvent croire tout le contraire.
Cette idée du « mérite », en plus de rendre les gens misérables [3], les pousse souvent à commettre l’irréparable. Vous verrez des gens qui cambriolent une maison parce qu’ils pensent mériter ce qui se trouve dans le putain de coffre-fort. Ou encore, une belle-mère qui fait tout pour détruire un couple heureux parce qu’elle pense qu’ils ne méritent pas d’être ensemble. Pire encore, un frère qui empoisonne son propre frère parce qu’il pense mériter sa fortune.
Il suffit d’observer ce qui se passe autour de vous pour comprendre que cette idée du « mérite » a semé la discorde partout dans le monde, en particulier dans la plupart des foyers.
Ce que les gens ne veulent pas comprendre est que le bonheur n’est pas quelque chose qui est mérité ou gagné en dehors de vous-même. Il est créé en vous à travers des choix simples et constants d’accepter votre nature humaine.
Vous ne pouvez donc pas prétendre l’obtenir ou, pire encore, le mériter après avoir accompli ce que vous pensez être les causes de ce bonheur.
Alors, que devriez-vous faire maintenant ?
Afin de vous donner un élément de réponse, revenons un instant à la personne « X » du début qui se demande ce qu’elle a pu faire pour mériter une telle punition de la vie.
Si je devais lui dire quelque chose d’intéressant, ce serait ceci :
« Amigo, ta vie semble être de la merde et il en est de même pour la vie de beaucoup d’autres personnes. La vie n’est pas contre toi : tu n’es ni une bonne personne ni une mauvaise personne. Tu ne mérites pas le bonheur. À partir de cet instant, tu ne mérites rien du tout. [1]
Maintenant que tu as la chance de t’apercevoir que tu as fait trop de bêtises qui t’ont coûté chers en termes de temps, d’énergie et de relation, tu vas devoir déterminer ce que tu ressens comme douleur, regarder ce que tu peux en tirer comme leçon et t’engager à être meilleur la prochaine fois. Le bonheur ne devrait pas faire partie de l’équation mentale. Son mérite non plus. Seulement l’amélioration personnelle. C’est ainsi que tu grandiras tout au long de ta vie et non en te blâmant ou en blâmant les autres, y compris « la vie ».
Une leçon de vie que tu peux en tirer peut être la suivante : vivre une vie en imitant les autres ou en suivant aveuglément la foule te fait courir à ta propre perte.
Tu vas donc devoir arrêter de faire couler cette merde et prendre un souffle pour découvrir qui tu es réellement [4].
Quand tu sauras qui tu es et ce qui t’intéresse, le fait que les gens t’apprécient ou pas n’aura plus aucune importance. Tes décisions n’incomberont qu’à toi et cette aversion qui t’anime ne verra pas le jour, car c’est toi qui décideras de t’impliquer dans les choses en fonction de ce qui t’intéresse.
Maintenant, fou le camp d’ici et prends soin de cette chose précieuse qu’est la vie ! »
Au lieu de penser que vous êtes spécial et de croire que vous méritez de grandes choses et du bonheur, demandez-vous ce que vous êtes prêt à lutter pour obtenir ce que vous voulez [2], car la plupart du temps, votre vie ne sera pas comme vous le souhaitez. Cela est tout à fait normal, car c’est ce qui donne envie de la vivre, sinon vous auriez vu un tiers de la population mondiale dans la rue, criant :
« On veut mourir ! La vie est ennuyeuse ! »
Où sont passés les deux tiers restants ?
Notes
1- Si vous pensez que vous méritez d’être heureux, vous vivrez une vie misérable, tout comme si vous pensez que vous méritez de souffrir. Ce n’est pas une vision binaire. Vous ne méritez ni l’un, ni l’autre. Ce serait difficile pour vous d’abandonner cette idée du « mérite », mais une fois cela fait, vous simplifierez énormément votre existence qui, en réalité, est plus simple que vous ne le pensez.
2- Au lieu de penser que vous méritez quoi que ce soit, demandez-vous : quelle douleur êtes-vous prêt à supporter pour atteindre ce que vous voulez. C’est l’une des « deux questions les plus importantes de votre vie ».
3- La misère tourne tout autour de vous et vous ne le savez même pas ! Découvrez-le dans « le guide pour être misérable ».
4- L’article sur « les quatre étapes à comprendre pour réussir votre vie » vous aidera à découvrir qui vous êtes et ce que vous êtes censé faire après cela.
Article très révélateur ! J’ai eu les larmes aux yeux quand j’ai découvert que j’étais complètement à côté de la plaque. Je pense que ma vie vient de prendre une autre tournure. Merci pour ces conseils si précieux.