Un marchand, un avocat et un religieux sont partis en voyage pour trouver un sage qui vit dans un petit village au pied des montagnes. Bien que le voyage ait été ardu et plein de dangers, il en valait la peine, car ce sage était le plus grand sage de tous et avait soi-disant découvert, par la pure puissance de la volonté, le sens de la vie.

Les trois hommes ont roulé pendant des jours et des nuits pour finalement voir apparaître à l’horizon le petit village. À sa périphérie, ils sont tombés sur un mendiant qui se trouvait sous un arbre et qui sommeillait au soleil matinal. En approchant, ils firent sursauter le pauvre mendiant en le réveillant de son sommeil. À demi réveillé, ce dernier demanda à ces étrangers ce qu’était leur problème. Les trois hommes lui répondirent qu’ils étaient en route pour voir le sage afin d’acquérir le sens de la vie. Le vieux mendiant leur répondit : « Le sens de la vie est de mourir au monde et de devenir nu devant soi ».

Avec un gloussement, le marchand rétorqua : « Une telle absurdité ne signifie rien comparé au béton, à l’or et à l’argent. L’argent fait tourner le monde, c’est la seule chose qui signifie vraiment quelque chose. »

Contestant, l’avocat leva la main en signe de protestation et répliqua que « la loi est le vrai sens de l’existence humaine, car sans elle, nous n’aurions aucun ordre, tout serait chaos et anarchie. Nous avons besoin d’ordre pour le progrès et la prospérité, et pour punir quiconque en dehors des limites de la cohésion sociale que la loi protège. Sans la loi, la vie ne serait pas préservée et il n’y aurait pas de contexte dans lequel avoir un sens. »

Le religieux, avec un rire haletant d’humble condescendance, informa les trois autres : « Permettez-moi de vous rappeler, messieurs, que bien que l’argent et la loi soient nécessaires à la préservation de la vie, sans Dieu, il n’y aurait pas de vie et, par conséquent, de sens. Dieu donne la vie et, par conséquent, le sens. »

Se mettant entre les trois hommes et le village, le pauvre mendiant cria : « Le sens de la vie est de mourir au monde et de devenir nu devant soi ! »

Avec dédain, l’avocat dit aux deux autres : « inutile de parler avec un fou », et les exhorta à passer à autre chose. Cependant, le vieux mendiant continua à bloquer leurs chevaux, criant « le sens de la vie est de mourir au monde et de devenir nu devant soi ! »

Alors que son refrain résonnait, les mots commencèrent à déstabiliser les trois hommes. Ces derniers demandèrent au mendiant de se taire. Pourtant, il continua. Le dédain des trois hommes se transforma en colère et ils ordonnèrent à nouveau au mendiant de se taire. Pourtant, le mendiant hurla, arracha ses vêtements et se mit nu devant ces nobles hommes. Sautant de leurs chevaux, les trois hommes jetèrent un sac sur la tête du vieux mendiant, l’assommèrent et le placèrent sur leur cheval afin qu’il soit jugé par les masses.

Arrivés au village, les trois hommes coururent jusqu’à ce qu’ils atteignent le centre du village. À la rencontre des membres du village, ils ont fait savoir que le pauvre vieux mendiant avait commis une infraction à la loi en essayant de déstabiliser l’ordre de la communauté et la sécurité de leurs familles. Ils ont aussi proclamé qu’il avait commis une offense contre la circulation des biens, des services et contre de l’argent en essayant de retirer les fruits de leur travail et les provisions pour leurs proches. Finalement, ils ont décrié sa transgression contre Dieu et la vie elle-même !

Sous l’emprise de la rage, les habitants du village ont commencé à jeter des pierres sur le corps inconscient du mendiant, le condamnant à mort à chaque lancer. Une fois la poussière retombée et la fureur collective apaisées, les villageois se demandèrent pourquoi ces nobles hommes avaient visité leur village en premier lieu.

Les trois hommes ont expliqué qu’ils étaient là pour rencontrer le sage et découvrir le sens de la vie. Ils ont ensuite demandé où ils pouvaient trouver le sage en question. Malheureusement, ce sage vivait sous un arbre à la périphérie de la ville. Les trois hommes sont donc restés sur leur faim, avec une question sans réponse absolue : quel est le sens de la vie ?

Depuis toujours, cette question traverse l’esprit des humains de génération en génération et de siècle en siècle. C’est la question ultime à laquelle la plupart d’entre nous ont réfléchi à un moment donné de notre vie. C’est aussi la question qui suscite à la fois émerveillement et terreur dans nos faibles esprits.

Certains d’entre nous cherchent désespérément à comprendre le but de la vie. D’autres, qui ont hérité des croyances et des pensées de leurs pairs, considèrent le sens de la vie selon une certaine forme de pensée tous couronnant leur vie autour de ces pensées et croyances.

Après tout, quel est le sens véritable de la vie ? Pourquoi sommes-nous ici ? Quel est l’intérêt de tout cela ?

Avant que nous puissions même nous demander de manière appropriée « Quel est le sens de la vie ? », nous devons d’abord régler quelque chose de plus subtil et de plus important : qu’est-ce que le « sens » ?

Qu’est-ce que le « sens » ?

Quand vous observez un peu les choses que vous faites en ce moment, vous verrez un élément qui se répète un peu partout. La plupart de nos actions ou pensées sont couronnées d’un sens qui est créé pour pouvoir soutenir l’action ou la pensée.

Il y a une raison à cela. En tant qu’êtres humains, nous avons un besoin constant d’attacher un sens à tout ce qui se passe dans nos vies. [5]

Par exemple, lorsqu’on reçoit un cadeau de la part d’une personne, dans notre tête, cela peut signifier qu’elle pense à nous. Lorsqu’on obtient un compliment de notre patron, cela signifie qu’on fait du bon travail. Lorsqu’une telle personne nous serre dans ses bras, cela signifie qu’elle nous aime.

Ce sont ces associations qui sont au centre de la définition d’un sens. Nous établissons constamment une association entre deux événements qui, a priori, peuvent ne rien avoir ensemble, car notre cerveau, par nature, a besoin d’expliquer toute la merde folle qui se passe dans le monde qui nous entoure. Cela nous aide à prévoir et à contrôler nos vies.

De ce point de vue, le sens est donc un besoin humain créé arbitrairement par le cerveau humain. Si l’on considère, par exemple, une dizaine de personnes assistant à un même événement au coin de la rue et que l’on isole chacune des personnes ayant assisté à cet événement, on trouvera le même nombre de significations que de personnes. C’est la raison pour laquelle il y a tant de débats politiques inutiles et tant de divergences dans un monde a priori issu d’une même source.

Si le sens est un besoin humain crée arbitrairement par le cerveau, sommes-nous censés l’associé dans une question faisant appel à un terme bien au-delà de ses capacités ?

Essayons quand même !

Qu’en est-il du sens de la vie ?