Faites travailler votre humeur pour vous

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« Eh bien, maintenant, nous avons touché le fond. Il n’y a aucun moyen de nous en sortir ».

C’était le commentaire calme d’un homme d’affaires qui venait d’apprendre que son meilleur client, pour qui il dépensait un million de dollars, transférait son entreprise à un concurrent.

Quelques semaines plus tôt, ce même homme s’était mis à désespérer parce que son entreprise avait perdu un client qui ne dépensait que vingt mille dollars par an. Il pensait que cette perte le ruinerait complètement.

Étrangement, la perte du meilleur client l’a moins impacté émotionnellement que la perte de son premier client. Avez-vous une idée du pourquoi ?

C’était parce que la nouvelle de la petite perte est tombée sur un de ces jours où il était de mauvaise humeur alors que la perte du meilleur client est survenue un jour où il était de très bonne humeur.

[…]

Nous avons tous nos hauts et nos bas. Certains d’entre nous sont pires que d’autres. Pendant que de nombreuses personnes en sont handicapées, une minorité de gens ont appris comment utiliser ces hauts et ces bas pour renforcer leur efficacité au travail.

Un directeur des ventes de « Philadelphia » avait remarqué des changements d’humeur, mais n’avait pas noté leur régularité. Il raconte : « J’ai des jours où mes hommes semblent tous mériter une augmentation. Quelques semaines plus tard, j’ai envie de les virer tous. »

Il continue en disant : « Quand je suis de bonne humeur, je trouve ma femme belle et séduisante et je suis très fier de mes enfants. J’ai beaucoup d’idées et j’aime être avec les gens. Puis, quelques jours plus tard, je deviens un autre homme. Je m’inquiète pour les enfants et je trouve à redire tout ce que j’ai pu accomplir pour eux. Je veux qu’on me laisse seul. »

Lorsqu’il est de très bonne humeur, il mange plus et marche plus vite. Il se réveille tôt et se sent déterminé. Il fait des investissements sauvages et se moque des erreurs. C’est le bon moment pour lui demander une augmentation, un prêt ou un nouveau manteau de fourrure.

Lorsqu’il est de mauvaise humeur, il a un faible appétit et se retrouve constipé pendant quelques jours. Il parle et bouge lentement. Il n’arrive pas à dormir suffisamment. Dans cet état, il rend les articles qu’il a achetés, prend des médicaments brevetés et critique tout ce qui bouge, en particulier lui-même. Il perd tout intérêt pour le sexe opposé. C’est le moment de le laisser seul ou de l’abattre.

Des humeurs comme celles-ci vont et viennent avec presque la régularité du calendrier. Une personne prend en moyenne quatre semaines pour passer d’un état à un autre. Certaines personnes ont des cycles plus courts ne prenant que deux semaines, tandis que d’autres en ont de longs d’une durée de six mois.

Abraham Lincoln a eu un long cycle qui est allé aux extrêmes. Il était en plein cycle lorsqu’il a prononcé son discours impérissable de Gettysburg, c’est pourquoi il a estimé que c’était un échec complet [1].

Le passage de l’optimisme au pessimisme est généralement si graduel que la plupart des gens ne remarquent pas le changement. Ils ne le réalisent que lorsqu’ils se retrouvent envahis par une mauvaise humeur.

Les jours d’extrême optimisme ont leurs inconvénients, en particulier pour les cadres. C’est durant ces jours que les gens s’endettent, font des investissements risqués, produisent beaucoup d’idées à moitié cuites et commencent plus de choses qu’ils ne peuvent en finir.

Les mauvais jours ont, eux aussi, leurs avantages. Ils donnent un contraste qui rend la reprise plus agréable de la même manière que les olives améliorent le goût des autres aliments. Les gens surveillent beaucoup plus leur santé et le jugement est davantage du côté conservateur.

Ces changements d’humeur sont parfaitement naturels et ne sont pas liés à la lune, aux menstruations, à la pression artérielle ou à tout autre cycle encore découvert. Il se peut que ces éléments aient quelque chose à voir avec eux, mais cela n’a pas encore été prouvé.

Cependant, quelques psychanalystes ont constaté que la dépression des mauvais jours est souvent due au sentiment d’hostilité d’une personne envers les autres, à sa conscience troublée ou au sentiment que les autres ne l’aiment pas. En réalité, ce n’est pas parce que les autres nous critiquent que nous nous sentons de mauvaise humeur, c’est plutôt parce que nous sommes déjà en ce moment de mauvaise humeur.

Maintenant que nous avons une idée des humeurs que nous traversons régulièrement, découvrons comment les mettre à notre service.

Comment faire travailler son humeur pour soi ?

Une veuve de Chicago qui n’avait plus qu’une grande maison a dû la transformer en maison de chambres pour gagner sa vie. Elle a connu un succès inhabituel en évitant de prendre des décisions importantes quand elle se trouvait aux deux extrêmes de son humeur. Lorsqu’elle est au sommet de son humeur, elle planifie des rénovations en ignorant les dépenses qu’elles peuvent engendrer. Cependant, elle prend soin de ne pas mettre ses plans en action tant qu’elle n’a pas connu une crise au cours de laquelle les plans sont ajustés pour s’adapter à son budget. Le résultat est le plan décoratif lumineux d’une ambiance optimiste et le faible coût d’une ambiance réaliste et pessimiste. Tel est l’art de faire travailler votre humeur pour vous.

Un publicitaire de haut niveau applique la même procédure dans la mise en place d’une nouvelle campagne. Après des semaines à jouer avec diverses possibilités, il attend d’être au sommet de son humeur pour travailler à une vitesse fulgurante sur le plan global. Ce travail est ensuite mis de côté pour être repris une dizaine de jours plus tard, au moment où il entame sa crise. En dirigeant son autocritique croissante contre son plan et sa copie, il dissocie le travail effectué puis ne garde que les parties solidement justifiées. Ensuite, il rassemble tout le contenu qui finit par lui donner une nouvelle campagne publicitaire inspirée et solidement fondée.

Comme vous pouvez le constater, aucune de ces personnes ne prend des décisions importantes quand elle se retrouve aux deux extrêmes de son humeur. Ceci parce que d’un côté nous sommes trop pessimistes et de l’autre nous sommes trop optimistes pour faire preuve de bon sens.

[…]

Lorsque nous sommes de mauvaise humeur, nous avons tendance à rester seuls et à critiquer tout ce qui bouge. On se sent fatigué sans avoir travaillé. On pense qu’on devrait lancer une partie Netflix ou qu’on devrait faire un tour au bar du coin pour nous détendre avec un verre de scotch. La réalité est que nous n’avons pas vraiment besoin de ces détentes durant nos moments d’extrême pessimisme. Nous devons plutôt nous efforcer de faire de notre mieux pour travailler parce que c’est durant ces moments que notre esprit critique prend le dessus. C’est durant ces moments que la veuve de Chicago arrive à remettre de l’ordre dans ses projections. C’est durant ces moments que le publicitaire de haut niveau arrive à rendre meilleurs ses campagnes publicitaires. C’est également durant ces moments que vous et moi devrons fournir de l’effort pour remettre de l’ordre dans nos affaires.

N.B. Les idées de cet article sont extraites du livre « The Technique of Building Personal Leadership (1944) » de Donald Anderson Laird.

 

Notes

1-« Lincoln’s Gettysburg Address, 1863 » EyeWitness to History.

 

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